Tunisie: pression de la rue sur le gouvernement, un ministre démissionne

La justice tunisienne a lancé un mandat d’arrêt international contre l’ex-président Ben Ali et son épouse Leïla Trabelsi, alors que le difficile remaniement de l’équipe de transition qui cristallise la colère de la rue a été reporté à jeudi. (c) Afp

Le ministre tunisien des Affaires étrangères Kamel Morjane, issu de l’ancien régime Ben Ali, a démissionné jeudi de ses fonctions, a indiqué à l’AFP une source officielle, alors que des milliers de Tunisiens ont manifesté pour exiger le départ des ministres liés à l’ancien régime.

Selon cette source, il a démissionné « dans l’intérêt de la Tunisie et pour renforcer l’unité nationale », alors qu’un remaniement important pour la survie du gouvernement de transition tunisien devait être annoncé jeudi.

L’annonce de la composition d’une nouvelle équipe était attendue jeudi à Tunis après des jours de tractations, sous la pression des démonstrations quotidiennes qui se sont déplacées vers Sidi Bouzid, dans le centre du pays, berceau de la Révolution du Jasmin.

« Non au vol de la révolution! » ont scandé des manifestants qui ont défilé dans les rues de cette localité où l’immolation par le feu d’un jeune homme à la mi-décembre a marqué le début des émeutes qui ont balayé le régime du président Zine El Abidine Ben Ali.

La manifestation s’est déroulée sans incident sous le contrôle d’unités de l’armée déployées à la place de la police, dont des élements ont été désignés par la population comme reponsables de la répression sanglante qui a précédé la fuite le 14 janvier du dictateur et de sa femme.

A Tunis, des milliers de manifestants poursuivaient le siège des bureaux du Premier ministre de transition Mohammed Ghannouchi, sur l’esplanade de la Kasbah. L’armée a fait barrage à une manifestation de professeurs et d’élève du secondaire en grève qui tentaient de les rejoindre, a constaté l’AFP.

M. Ghannouchi, très contesté pour avoir été le dernier chef de gouvernement de Ben Ali mettait jeudi la dernière main à la refonte de son équipe de transition annoncée le 17 janvier et forte à l’origine de 24 ministres. Quatre ont immédiatement démissionné, pour protester contre la mainmise sur les postes-clefs de figures de l’ancien régime.

Dans le même temps, la direction d’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) était réunie près de Tunis pour adopter une « décision finale » d’aval ou de rejet de la future équipe.

L’UGTT, qui a joué un rôle fondamental dans l’encadrement de la révolte populaire, pèse de tout son poids pour obtenir le départ de l’exécutif des sept ministres ayant servi le régime corrompu et autoritaire de l’ancien chef de l’Etat. Sa direction s’est réunie en fin de matinée dans un hôtel de la banlieue nord de Tunis.

Selon une source proche des négociations, le Premier ministre serait prêt à sacrifier trois ministres (Défense, Intérieur, Affaires étrangères) hérités du régime Ben Ali. Mais l’UGTT ferait le forcing en coulisses pour obtenir la tête d’au moins deux autres ministres sortis des rangs de l’ex-parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).

A Sidi Bouzid, où l’UGTT a appelé à une grève générale, des milliers de manifestants ont lancé : « Dégagez les pourris! », « Ghannouchi, est-ce que tu ne nous a pas encore compris? ».

Le cortège a marqué une autre pause face au Gouvernorat (préfecture), où Mohamed Bouzazizi, un jeune marchand de fruits, s’était immolé par le feu le 17 décembre. Des manifestants ont déployé une photo géante de leur « martyr » sur le toit du bâtiment officiel, tandis que d’autres criaient: «  »Allah Akbar!, (Dieu est grand), nous resterons fidèle au sang des martyrs ».

Par ailleurs, le chef du parti islamiste tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi, en exil à Londres, prévoit de rentrer dimanche en Tunisie, plus de 20 ans après avoir quitté son pays, selon le porte-parole d’Ennahda à Paris.

« Il ne rentre pas en triomphant, en revendiquant une quelconque place au gouvernement, mais comme simple citoyen », a déclaré à l’AFP Houcine Jaziri, représentant en France du parti islamiste interdit sous le régime Ben Ali.

En Egypte, des manifestations sans précédent depuis 30 ans, inspirées du modèle tunisien, se poursuivent pour exiger le départ du président Hosni Moubarack et l’opposant Mohamed ElBaradei va rentrer au pays pour y participer, selon son frère. Des manifestants ont mis le feu à une caserne de pompiers à Suez, à l’est du Caire, après avoir lancé des cocktails molotov sur la police.

Au Yémen, des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Sanaa à l’appel de l’opposition pour réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.(AFP)

Martin Levalois

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