Suspense sur les accusations d’espionnage international chez Renault

L’obscure affaire d’espionnage industriel dans laquelle Renault se dit « victime d’une filière internationale » devrait rebondir dans les jours à venir, avec la révélation attendue des accusations précises du constructeur automobile français contre trois de ses cadres menacés d’éviction.

La piste d’une fuite vers la Chine de secrets sur les voitures électriques est privilégiée par Renault et le contre-espionnage, selon la presse et les spécialistes de l’intelligence économique. Pour autant, le groupe, à la communication millimétrée depuis une semaine, ne l’a pas évoquée.

Le ministre de l’Industrie Eric Besson, premier officiel à avoir parlé de « guerre économique » dans cette affaire qui touche au coeur stratégique d’un fleuron de l’industrie française encore détenu à 15% par l’Etat, a refusé de la confirmer. « A ce stade, moi, je peux pas l’affirmer », a-t-il dit samedi.

De sources proches du dossier, Matthieu Tenenbaum, un des trois cadres dirigeants mis à pied par Renault, est convoqué pour un entretien préalable à un éventuel licenciement « mardi en fin d’après-midi » et il est vraisemblable que les deux autres soient entendus « le même jour » par l’entreprise.

Renault s’est refusé à commenter ces informations.

La procédure impose ces entretiens pour que la direction détaille ses griefs aux salariés visés et qu’ils puissent lui répondre. Si Renault décide d’une éviction rapide, il devra respecter un délai de 48 heures avant de la notifier.

« Compte tenu de l’émoi suscité, je pense qu’ils vont trancher la semaine prochaine », prédit une source proche du dossier.

« Il faut respecter la présomption d’innocence », a souligné Eric Besson, alors que Renault n’a pas encore déposé plainte en justice et reste muet sur la date et la manière dont il entend le faire.

L’avocat de M. Tenenbaum, Me Thibault de Montbrial, a dénoncé samedi un « lynchage » de son client, sur la base d' »accusations gravissimes ». Il a sommé Renault « d »apporter sans délai les explications et éléments matériels de ce qu’il avance ».

Directeur adjoint du programme de véhicules électriques, M. Tenenbaum était sorti de l’anonymat la veille, via son défenseur, en s’insurgeant contre une « véritable pré-déclaration de culpabilité de la communication publique de Renault ».

Le numéro deux du groupe, Patrick Pélata, a martelé ce week-end la « conviction » du constructeur que les trois cadres mis à pied, « ont effectivement commis des fautes lourdes ».

L’enquête interne lancée fin août a conclu que Renault se trouvait « face à un système organisé de collecte d’informations économiques, technologiques et stratégiques pour servir des intérêts situés à l’étranger », a-t-il affirmé au Monde daté de dimanche, parlant d’un « travail de professionnels ».

« Renault est victime d’une filière organisée internationale », a déclaré M. Pélata, directeur général délégué et bras droit du PDG Carlos Ghosn.

Il a assuré que le constructeur n’a perdu aucun secret « technologique, stratégique » majeur sur « les presque 200 brevets déposés ou en cours de dépôt » ou les recherches sur les batteries du futur.

Il a néanmoins admis que « des informations sur l’architecture de nos véhicules, sur les coûts et le modèle économique » du programme de voiture électrique « peuvent avoir fuité ».

L’enjeu est majeur pour Renault, qui a investi 4 milliards d’euros avec son partenaire japonais Nissan sur ce marché dont il vise le leadership mondial.

Vendredi, le site internet du Point avait affirmé que les cadres suspendus, mis en relation avec « des interlocuteurs chinois » par un sous-traitant, auraient touché de l’argent à l’étranger contre des brevets « en attente d’être déposés » sur des batteries de véhicules électriques.

Martin Levalois

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