Tchad : Vives contestations autour d’un accord entre éleveurs et agriculteurs
Des chefs traditionnels des communautés des agriculteurs et des éleveurs de la province du Mandoul (une des 23 régions du Tchad, au Sud-ouest du pays) ont récemment paraphé un accord qui prévoit des réparations en cas d’infractions graves. L’objectif est de faire baisser la tension qui existe entre eux. Mais le consensus est loin de faire l’unanimité. Au Tchad, les conflits entre éleveurs et agriculteurs sont récurrents. En août dernier, le pays avait enregistré vingt-deux morts et dix-huit blessés lors d’un affrontement entre éleveurs et agriculteurs.
L’accord prévoit qu’en cas d’homicide, volontaire ou involontaire, la personne incriminée -ou sa famille- doit payer 1.500.000 FCFA. C’est pareil pour les cas d’accidents où des réparations sont fixées à 1.000.000 FCFA.
«Jusqu’ici, il n’y avait parfois pas de solution lors d’un différent», explique l’avocat Noubarangar Kladoumbé, avocat et chef du canton de Dobo. Il est également représentant des chefs traditionnels de la province du Mandoul et signataire de l’accord.
«Et quand il n’y a pas de solution, les drames se reproduisent, car les gens se font justice eux-mêmes», indique-t-il. «La notion de réparation est universelle (…). Quand il y a un problème vous réparez et vous continuez à vivre ensemble. Nous pensons que nous pouvons préserver la paix comme ça parce que si les éleveurs continuent à imposer des réparations que les autres ne peuvent pas réunir, un jour il y aura des massacres entre nos populations», avertit Noubarangar Kladoumbé.
Cependant, cet accord est décrié par certains. «C’est un accord qui porte atteinte au caractère sacré de l’être humain qui est réduit à une valeur pécuniaire», dénonce Jean-Bosco Manga, écrivain et juriste. Selon lui, «C’est un précédent très fâcheux qui va raviver les crimes puisqu’il suffit de réunir les moyens nécessaires pour régler son compte à autrui».
«Les conflits éleveurs-agriculteurs, on ne peut les endiguer qu’en prenant des mesures fortes. L’Etat doit sévir à travers des dispositions pénales qui existent», insiste Jean-Bosco Manga. Djiddah Oumar Mahamat, président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) qualifie l’accord de «décision irréfléchie». Il demande au Gouvernement de l’annuler.